Le neurologue Lionel Naccache dit à propos de l’immense découverte de Freud sur l’inconscient : « À l’image de Christophe Colomb qui explorait les Amériques en étant persuadé de découvrir les Indes, Freud commit lui aussi une erreur. L’erreur de Freud fut de croire découvrir l’inconscient, alors qu’il nous dévoilait l’essence profonde de notre conscience ! ».
En effet, les progrès des neurosciences ces décennies passées, ont montré que l’immense majorité de notre activité cérébrale est inconsciente. Notre cerveau traite en permanence une myriade de routines. Depuis l’enfance, il a échafaudé de nombreux modèles de ce qui se passe autour de nous et des réactions qu’il est souhaitable d’avoir. De façon inconsciente, tous les stimuli parvenant au cerveau sont analysés et comparés à ces modèles pour déclencher l’action appropriée. Seule une infime minorité de cet intense activité « monte » au niveau conscient : en général, cela se produit lorsque les désaccords avec les modèles dépassent un certain seuil, ou que de grandes incertitudes apparaissent.
Un exemple est donné dans « LES CLÉS SECRÈTES DE L’UNIVERS » :
« La plupart de nos perceptions, ainsi que leur traitement par notre cerveau, sont inconscientes : seules certaines sont sélectionnées par la conscience à un moment donné, lorsqu’elles suscitent un intérêt. Par exemple, imaginez-vous conduisant une voiture. À tout instant, vos mains corrigent la trajectoire avec le volant sans que vous y pensiez vraiment. Vous surveillez mécaniquement tout ce qui défile devant vous à travers le pare-brise sans y prêter une attention particulière. Vos mains ressentent où se trouvent les commandes. Vous entendez la radio. Parmi ces innombrables stimulations sensorielles, une seule devient consciente à un moment précis : la vue d’un oiseau passé trop près du pare-brise, puis l’écoute d’une information intéressante sur les ondes, puis la sensation du changement de vitesse ayant grincé sous votre main. À chaque instant, une perception et une seule, entre dans le champ de votre conscience, soit parce qu’elle révèle un possible danger, soit parce que vous décidez d’y prêter attention.
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Il est très heureux que le gros de nos perceptions et de nos réflexes échappe à notre conscience. Si à l’inverse, elle s’occupait de tout, elle serait totalement saturée. Une autre raison tient à la lenteur des processus conscients par rapport au reste de l’activité cérébrale. Le temps mis par une sensation pour arriver au cerveau et déclencher une action, est plutôt bref : de l’ordre du centième de seconde. Au contraire, si la conscience s’en mêle, il lui faut plusieurs dixièmes de seconde pour la traiter. En poursuivant l’exemple de la conduite automobile, si un obstacle se présente très soudainement sur la chaussée, votre encéphale va commander l’impulsion de votre pied sur la pédale de frein, à la façon d’un réflexe, c’est-à-dire immédiatement et sans en référer à la conscience. Si le cerveau ne disposait pas de cette autonomie, il serait bien dangereux de conduire une voiture ! En revanche, si votre conscience est mise en jeu, les temps de traitement sont bien plus longs : par exemple, si vous devez deviner quels signes un agent de police est en train de vous faire, votre réflexion prendra plusieurs dixièmes de seconde, voire plusieurs secondes. »
Pour Freud, une partie de nos pensées se refoule dans l’inconscient. Cette découverte a choqué l’humanité tant il était acquis que l’Homme contrôlait ses pensées. Freud a qualifié sa découverte de « troisième grande blessure narcissique infligée à l’Homme ». La première était le fait que la Terre ne se trouve pas au centre de l’Univers, et la seconde, l’évolution des espèces de Darwin.
Aujourd’hui, nous comprenons que l’immense majorité de l’activité cérébrale se déroule de façon autonome sans accéder à la conscience. C’est d’ailleurs comme cela que tous les mammifères fonctionnent, grâce à leur néocortex doté de six couches. Chez l’homme une couche supplémentaire qui reste très mal décrite pour l’instant, semble tisser un réseau pénétrant l’ensemble de l’encéphale. Par exception, elle identifie ce qui mérite un traitement approfondi, synthétique et coordonné : elle serait l’origine de la conscience.