Qu’est-ce qui distingue James Webb de Hubble ?
D’abord, il faut rappeler que dans l’espace, plus nous voyons loin avec nos télescopes plus nous observons l’Univers ancien, une idée énoncée pour la première fois au XIXe siècle par… Edgar Poe ! C’est un peu comme si un paléontologue doté de puissantes jumelles pouvait observer dans une lointaine clairière, une tribu d’Australopithèques en train de partager un quartier de viande il y a 3,5 millions d’années. Quelle chance pour les astronomes de pouvoir ainsi observer toute l’histoire de l’Univers depuis ses débuts !
Doté d’un miroir de 6,5 mètres, soit 2,7 fois plus que celui d’Hubble (7 fois en surface) et situé à l’abri des pollutions terrestres à 1,5 million de km de nous, James Webb voit bien plus loin que son prédécesseur. Il peut approcher le Big Bang et observer le cosmos dans ses premières centaines de millions d’années, c’est-à-dire la période de formation des étoiles et des galaxies.
Là intervient un autre phénomène : à cause de l’expansion de l’Univers, l’image qui nous vient de si loin ne se situe plus dans les fréquences lumineuses visibles, mais dans l’infrarouge. En effet, pendant ce long chemin, les longueurs d’ondes de la lumière se sont dilatées avec l’espace-temps. L’image ci-jointe est faite de couleurs reconstituées, car en infrarouge, nous ne verrions rien.
Que lire dans la première photo du télescope James Webb ?
Dans la ligne de visée de cette photo, on trouve naturellement des galaxies se situant à différentes distances, ainsi d’ailleurs que quelques étoiles proches. Elle a été sélectionnée parce que l’on y voit un grand nombre de galaxies très anciennes : celles qui sont rougeoyantes.
Si la NASA a sélectionné cette photo pour nous épater, c’est qu’elle présente une spécificité intéressante. Elle pénètre l’Univers très lointain grâce à une astuce prédite par Einstein : la lentille gravitationnelle. Le savant génial avait conçu qu’une galaxie ou un amas galactique, par sa masse, courbait la lumière comme le font les lentilles de nos lunettes. Dans la photo présentée, la ligne de visée traverse un amas galactique que l’on ne discerne pas. Il a pour effet d’ajouter une lentille (gravitationnelle) aux miroirs (optiques) de James Webb. Cet amas se situe à environ 4,6 milliards d’années-lumière de nous. Il grossit les galaxies de l’arrière-plan, au point que l’on y distingue certaines situées à 13,7 milliards d’années-lumière. Elles ont émis leur lumière une centaine de millions d’années après le Big Bang et font partie des premières apparues dans le cosmos.